Back Market, cette boutique e-commerce a profité de la Journée Mondiale de la Terre pour hacker les Apple Store présents à Paris, Berlin et Londres. L’opération baptisée « Hack market » visait à convaincre les clients qui s’apprêtaient à acheter de nouveaux produits d’Apple d’opter pour des produits reconditionnés de Back Market. C’était pour eux une manière de persuader les acheteurs de contribuer à l’écologie de la Terre. Voici comment ils ont réussi leur coup de marketing de génie.
Miser sur le matériel reconditionné pour un acte écologique
Pour faire des économies, la meilleure solution possible est de se tourner vers du matériel reconditionné. De plus, ce sera aussi l’occasion parfait pour faire un geste écologique. Il y a quelques années encore, la poubelle se remplissait rapidement de Smartphones reconditionnés et autres produits vendus. Heureusement, le marché des produits reconditionnés connaît une forte évolution.
Parmi les plateformes de produits reconditionnés les plus populaires d’Europe, on distingue Back Market. Présente dans de nombreux pays, la marque ne cesse de promouvoir ses activités. Une récente étude de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) a démontré que les produits reconditionnés permettent d’économiser 91 % d’émissions de CO2, 68 800 litres d’eau et 129 grammes de métal précieux par rapport à l’achat d’un téléphone neuf.
Sébastien Jauffret, directeur associé chez Marcel a déclaré que « Grâce à l’étude de l’ADEME nous avions des chiffres incroyables. Mais les habitudes ont la vie dure et des chiffres, même aussi forts que ceux-ci, peuvent difficilement rivaliser avec un comportement bien ancré. Surtout lorsque ce comportement est entretenu chaque jour par des marques qui rendent leurs « nouveautés » toujours plus désirables et le besoin d’en profiter toujours plus impérieux. Nous nous sommes vite rendu compte qu’une campagne de sensibilisation sur ces chiffres ne suffirait pas. Nous avons donc décidé de concentrer nos efforts au moment et à l’endroit où ils attireraient le plus d’attention : le parcours d’achat des consommateurs, et en délivrant notre message au moment même où ils étaient sur le point de faire un nouvel achat. Et de le faire au moment où il aurait l’écho le plus fort en termes de relations publiques, pour la Journée de la Terre 2022 ».
Hack Market, une opération réussie
Pour mettre au point son projet, Back Market s’est servi de la propre technologie d’Apple et de viser les acheteurs qui se trouvaient dans les Apple Store. Ainsi, ils ont développé un bot afin d’envoyer par Airdrop une demande d’acceptation d’un message. Celui-ci était destiné à rediriger les détenteurs d’iPhone vers un site créé pour l’occasion, baptisé hack market.
Ensuite, le bot était déposé dans une gourde et placé en face des Apple Store à Paris, Londres et Berlin. Il s’agit d’une fonctionnalité qui permet d’échanger de l’information à distance entre deux téléphones dans un rayon de 15 mètres. Les téléphones Android disposent d’une fonctionnalité similaire dénommée Nearby Share, depuis 2020.
Tous les visiteurs qui se sont rendus dans ces magasins ont vu s’ouvrir sur leur iPhone une vidéo qui les incitait à opter pour le même modèle, mais reconditionné. « Il est temps de passer au reconditionné, avec un modèle moins cher et plus vert ». Ce message a fait le buzz et a marqué les esprits. D’ailleurs, la vidéo de cette opération coup de poing a fait plus de 36 millions de vues au total sur les différents réseaux sociaux. En ce jour, cette publicité compte plus de 2,5 millions de vues sur YouTube et ils ont reçu organiquement plus de 300 000 visiteurs uniques.
Un dispositif légal et facile à mettre au point
Pour hacker des iPhones, Back Market a utilisé un dispositif légal et simple à mettre en œuvre. Il pourrait aussi servir à d’autres. Dans une vidéo, les responsables de Back Market ont présenté le résultat de l’opération Hack Market. Vianney Vaute, co-fondateur de Back Market a déclaré que « Ce n’est pas un vrai « hacking ». Nous avons utilisé une technologie embarquée dans tous les iPhones ». Ils ont par ailleurs affirmés que le trolling n’a pas du tout fait plaisir à l’avocat d’Apple.
Certes, il peut s’avérer un peu risqué de s’inviter directement dans les Apple Store pour tenter de détourner les clients d’une décision d’achat, mais cela en a valu le coup. « Si l’on n’ouvre pas d’espace critique, aucun modèle alternatif, plus sobre et vertueux, ne pourra voir le jour pour le numérique. Quel que soit le domaine, le changement n’intervient jamais que sous la pression des foules de consommateurs ou d’électeurs. Nous voulons inciter le plus de monde à participer à cette joyeuse révolution » avance Vianney.
Un coup bien préparé
Pour réaliser l’opération, cette filiale du groupe Publicis a dû mobiliser « plusieurs dizaines de milliers d’euros ». Sébastien Jauffret avance que « cette campagne est tout à fait réplicable ». Cependant, il est possible d’adapté ce dispositif à une petite échelle avec notamment un budget assez faible. Prenons par exemple le cas d’un commerçant. Il pourrait attirer dans son magasin des passants en proposant des réductions. Toutefois, il a ajouté que « C’est le genre d’opération sans filet. Si ce n’est pas assez bien préparé, il y a de grandes chances que ça se retourne contre vous. » Néanmoins, si le message arrive à toucher sa cible, alors c’est un véritable levier de notoriété et de croissance. De plus, ce serait le buzz assuré sur les réseaux sociaux.
Back Market, lui a décidé de parler, via des vidéos virales, des vertus environnementales du reconditionné. Grâce à cette campagne, ils ont réussi à entrer en connivence avec le consommateur afin de lui proposer une alternative à laquelle il n’avait peut être pas pensé. D’après les conseils de Vialley Vaute « Il faut que la démarche ait l’air naturelle, spontanée et que le message soit simple. Ce genre d’idée décalée ne peut fonctionner que s’il y a un minimum de filtre entre l’idée et la réalisation ». Back Market a attendu que l’ADEME publie son rapport sur le reconditionné pour renforcer son propos et éviter le procès en greenwashing. Selon le publicitaire Sébastien Jauffret « Il est toujours difficile de parler d’écologie en communication. Il faut bétonner avec des chiffres officiels ».
Une opération marketing particulièrement audacieuse
Back Market s’est préparé pendant plus de deux ans avant de lancer cette opération. De plus, pour que le moment soit propice, il faillait attendre un contexte international fort. Cela en raison du fait que l’entreprise opère actuellement dans plus de 16 pays, compte plus de 650 salariés et réalisera en 2022 une grande partie de son volume d’affaires à l’étranger.
Vianney Vaute souligne que « Notre centre de gravité a basculé et cette campagne est aussi une manière de faire parler de nous à l’international ». C’est avec l’aide de l’agence de publicité Marcel que Back Market a pu assurer l’opération « hacking » simultanément à Paris, Londres et Berlin.
D’après l’analyse de Vianney Vaute, « Le plus compliqué pour nous a été de synchroniser les captations dans les trois villes ». Pour éviter toute poursuite, il n’y avait pas d’autres choix à part filmer les scènes depuis l’extérieur des boutiques. En revanche, des influenceurs mandatés pour l’occasion s’étaient chargé des prises de vue en intérieur. Alors, il y en avait un pour chaque pays. « Notre objectif était de rester dans le cadre de la loi », assure Vianney Vaute.
D’ailleurs, aucune réaction venant de Apple n’a été enregistrée. Ce qui prouve que les équipes de Back Market ont bien pris la peine d’écarter tout risque juridique. Il convient tout de même de noter que le leader français du reconditionné n’est aucunement un concurrent pour le géant américain. Le cofondateur de la licorne estime que « Apple gagne de plus en plus d’argent via ses services : le reconditionné est aussi un moyen pour eux de gagner de nouveaux clients ».